Il y a quelques mois, la presse titrait sur le tarissement des sources de la Somme. Depuis, l'eau s'écoule de nouveau au pied de l'ancienne abbaye de Fervaques.
Le 16 septembre 1902, le Journal de Saint-Quentin faisait déjà écho d'un nouveau tarissement de la Somme ; le phénomène n'est donc pas nouveau.
Qui ne connaît Fervaques ? Cette belle ferme dépendant de Fonsomme appartient à l'honorable M. Bobeuf ; on sait qu'elle a succédé à l'exploitation rurale des Bernardines établie à cet endroit alors désert, en 1140. La communauté vint, comme on le sait, finir à Saint-Quentin, chassée par la guerre et y transporta ce joli nom de Fervaques qui était celui du lieu qu'elle sanctifiait.
Et le nom était bien donné : Fervaques, Fervantes aquae, eaux bouillonnantes. Le couvent, en effet, baignait ses murs dans les sources même de la Somme dont l'eau toute frémissante sourdait par les mille cassures du cran qui constituait les bords et le fond d'un petit étang entouré de saules et d'aulnes. L'endroit était calme, poétique et charmant. Après avoir quitté le village de Fonsomme (Fons Sommae, sources de la Somme), on tourne à gauche dans l'allée particulière de la ferme de M. Bobeuf et l'on est, ou plutôt, l'on était à la source de la rivière qui, l'étang originel quitté, s'enfonçait vers le nord dans un lit étroit, ombragé au point d'en être invisible, serpentant à travers des pâtures jusqu'au moment où, tombant dans les grands marais d'Isle, elle y trouvait un accroissement considérable et y faisait tourner son premier moulin. Puis, ses malheurs commencent puisqu'elle sert de dépotoir, d'égout collecteur à la ville de Saint-Quentin.
Mais remontons à la source, à l'ex-source, hélas ! C'est maintenant une prairie verte de mauvaises herbes. Au milieu, une petite mare recueille les eaux de pluie boueuses. C'est navrant ! Alors à la recherche de la rivière absente !
nous nous engageons dans son lit et le suivons à pied sec, très sec, écartant les branches qui nous fouettent le visage et passant d'un "héritage" dans l'autre. Nous arrivons ainsi en face de ce joli pavillon du XVIIIème siècle, élégant vide-bouteille, maintenant transformé en maison de ferme et appartenant, si nous ne nous trompons, à M. Limage, l'honorable maire de Fonsomme. Tout autour s'allongeaient de grands fossés, bien alignés et drainant l'eau des sources qui fournissaient à la riviérette un appoint sérieux. Elle sortait de là déjà plus imposante avant d'aller se promener en grande dame dans les belles propriétés de MM. Damoisy, Desjardins [château de Remaucourt] et de Chauvenet [château de Lesdins].
Plus d'eau non lus dans ces fossés !
Quelques canards s'en disputent trois gouttes oubliées. Et les fossés sont d'apparence si saharienne que le plus impétueux d'entre nous se prépare à en traverser un pour raccourcir le chemin. Pouf ! Pataplouf ! Il n'y a plus d'eau, mais il reste un mètre de vase à croute durcie et trompeuses. Notre pauvre compagnon enfonce, enfonce et l'on ne sait pas où cela s'arrêtera. C'est l'enlisement ! Il jette sur nous un regard suppliant et tend les bras... Faut-il le laisser périr ? Non! Il y a une médaille de sauvetage à emporter de haute lutte. Courage ! Nous lui empoignons les mains et hisse ! Ça colle ! Après des efforts herculéens, on le sort de là, mais dans quel état !
On en rit, lui un peu moins que nous. Avec un couteau, il enlève le plus gros pendant qu'on le "blague" sans générosité et nous revenons à Fervaques sans avoir rencontré la Somme. Les chroniques signalent qu'au cours des siècles, les sources se sont taries plusieurs fois, mais à ce point probablement jamais.
Faut-il en accuser les grands travaux du canal et cet épuisement forcené des nappes tout autour des écluses depuis un an et plus ?
Probablement. Espérons que cette grande drainée n'a pas détourné pour toujours le cours des ruisseaux souterrains qui alimentaient le poétique étang des "eaux bouillonnantes" et qu'après l'hiver il reprendra sa fraîcheur. En attendant il est bien à sec et la pauvre petite Somme n'a plus de source. Et c'est pourquoi une jeune fille disait hier en contemplant ces lieux maintenant arides : " Si je perdais mon porte-monnaie, ce n'est pas ici que je viendrais pour trouver la somme.
Il faut beaucoup pardonner à la jeunesse.- A. V.Source : Retronews - Le site de presse de la BnF
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